Des COOP des années 60 aux grandes enseignes régionales ou circuits courts actuels, les coopératives de consommateurs en France ont beaucoup évolué mais sont fidèles à leurs principes fondateurs : regrouper des « consomm’acteurs » soucieux de la qualité des produits, pratiquer une gouvernance démocratique, réinvestir leurs bénéfices dans leur développement.
1844. Rochdale, petit village non loin de Manchester, s’apprête à célébrer Noël. 28 tisserands désirant offrir des produits de qualité à moindre coût décident de se regrouper afin de vendre au sein du même magasin du beurre, du sucre, de la farine et des chandelles. La « Société des Équitables Pionniers de Rochdale » est née. Une cotisation d’une livre sterling est demandée à chacun qui veut devenir membre du petit magasin. Une gestion démocratique est instaurée.
Ces « pionniers de Rochdale » – comme on les appellera dorénavant – sont loin de se douter que cet humble magasin deviendra le Co-operative Group, la plus grande coopérative de consommateurs du Royaume-Uni (encore aujourd’hui !). Les « pionniers de Rochdale » demeurent dans l’histoire de la coopération le meilleur exemple de réussite durable.
Les coopératives de consommateurs, un ensemble original au sein de la distribution alimentaire en France
En France, le mouvement de la coopération de consommation se développe considérablement jusque dans les années 60. Les coopératives de consommateurs sont alors organisées en sociétés régionales et gèrent des réseaux denses de petites unités : à titre d’exemple, la Ruche Picardie compte 732 magasins avant guerre.
Confrontées au refus de vente des industriels, les COOP s’accordent la maîtrise des approvisionnements et des coûts de production en se dotant d’usines. Elles deviennent un acteur de poids au sein de la distribution alimentaire.
Les grandes mutations de la distribution
Viennent l’essor de la grande distribution et la révolution de l’hypermarché qui propose des prix bas grâce à la vente de masse et au libre service. Dans le même temps, la modernisation coûteuse des processus de fabrication conduit les COOP à vendre leurs usines. Pendant cette période de mutation importante, les COOP voient un tiers de leurs magasins disparaître. Elles nouent alors des alliances d’approvisionnement et s’adossent à de grandes centrales d’achat.
Les coopératives de consommateurs aujourd’hui
Aujourd’hui, l’enseigne COOP a disparu du paysage commercial de nombre de régions françaises, et il ne reste que quatre coopératives de consommateurs dans la grande distribution alimentaire : les groupes COOP Alsace, COOP Atlantique, COOP Champagne et COOP Normandie Picardie. Elles regroupent environ 970 magasins parmi lesquels 15 hypermarchés, 75 grands supermarchés (de plus de 1000 m2), 544 magasins de proximité, 216 maxi discompteurs, 99 stations services et 19 cafétérias.
A cela s’ajoutent, les entrepôts, plates-formes logistiques, laboratoires (boucheries, boulangeries et chais). Au total, près de 16 000 salariés.
Elles animent sur le terrain des enseignes nationales : Leclerc, Système U, Leader Price…
Toutefois, si les quatre « grandes COOP » ont cédé commercialement pour survivre, elles font en sorte de ne pas transformer le magasin coopératif en magasin « comme les autres ».
Car le principal défi qu’elles rencontrent tient à leur taille. Si l’on comprend facilement les principes de base du coopératisme, on voit mal comment ces principes peuvent être préservés dans une organisation de grande taille.
C’est pourquoi les « grandes COOP » se donnent dans leurs régions respectives une double mission :
o être présentes dans la compétition des prix,
o se comporter conformément aux principes qui légitiment leurs raisons d’exister.
L’utilisation citoyenne des résultats
Les « grandes COOP » sont construites par et pour les consommateurs. Elles n’appartiennent qu’à leurs clients sociétaires. Une gouvernance démocratique, basée sur le principe « un membre, un vote » et non pas sur l’importance du capital investi, la constitution de réserves impartageables pour le financement de leur développement plutôt que la rémunération du capital, le réinvestissement systématique des bénéfices dans leurs régions et la satisfaction des besoins évolutifs des membres et des clients demeurent des enjeux de tous les instants. Fidèles à leur éthique coopérative et aux valeurs qu’elles défendent, les COOP restent des entreprises régionales.
La place des individus dans les coopératives de consommateurs
L’identité coopérative du consommateur peut s’exprimer dans des structures moins concentrées.
Certains consommateurs préfèrent se tourner vers des « circuits courts » qui tendent à réduire le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur, de même que la distance entre les lieux de production et ceux de consommation.
De nombreuses initiatives de regroupements de consommateurs apparaissent autour des produits alimentaires (Fleuron Bio, Boulangerie Coopérative Vendeuvre du Poitou, La Louve, supermarché coopératif très largement inspiré de la Park Slope Food Coop à Brooklyn), de la construction (HABICOOP qui entend accompagner la création et le développement des coopératives d’habitants), des transports (CITIZ, réseau d’auto partage coopératif, PROXI POUSSE, service de vélos taxis électriques)… et prennent la forme de coopératives de consommateurs.
Redéveloppement coopératif
Le modèle coopératif de consommation a beaucoup à offrir : pour les citoyens d’abord qui tendent à établir une réelle connivence avec ses valeurs fondamentales. Pour les entrepreneurs qui souhaitent mesurer leur performance autrement que sous le prisme des profits effrénés… Pour les « consomm’acteurs » qui trouvent dans le modèle coopératif des solutions mieux adaptées à leurs besoins auprès d’entreprises soucieuses de leur responsabilité sociale.
« Grande COOP » ou « petite COOP », chacun trouvera la formule qui lui convient pour exprimer sa volonté d’agir ensemble.
Auteur : Marie-Anne Franceries - Août 2014